« La Bête dans la jungle » de Marguerite Duras
lu par Albert Novelli et Catherine Salane
au violoncelle : Antoine Bécot
La Bête dans la jungle est d’abord le texte célèbre d’une nouvelle, publié en 1903, par Henry James (1843-1916), maître de la nouvelle et du roman. Il a été adapté au théâtre, au cinéma et même à l’opéra.
Marguerite Duras (1914-1996) a adapté la nouvelle en français en 2001 en s’appuyant sur un premier travail d’adaptation entamé dans les années 60 avec James Lord, écrivain américain (1922-2009), auteur d’une adaptation théâtrale en langue anglaise non publiée.
La pièce de Marguerite Duras comporte six tableaux qui se passent tous dans un même lieu, le château anglais de Weatherend mais à des époques différentes. Deux personnages, Catherine Bertram et John Marcher.
Dans la mise en scène de la pièce par Vinco Viskic, avec Albert Novelli et Catherine Salane (voir ici), le nombre de tableaux est réduit à quatre. Nous avons rétabli pour ce podcast le découpage original.
Tableau 1 : Catherine et John sont à l’intérieur du château dans les grandes salles où sont les tableaux de famille (10’07)
Tableau 2 : Même jour, mais la nuit est venue et le décor est vide et silencieux (12’53)
Tableau 3 : Même lieu, il fait jour. Catherine est assise, John, près d’elle, debout. Ils sont en vêtements d’hiver (12’39)
Tableau 4 : Quelques années ont passé. C’est le soir. John a apporté un cadeau pour l’anniversaire de Catherine (4’06)
Tableau 5 : Après d’autres années, c’est encore un soir d’anniversaire (7’01)
Tableau 6 : Catherine est allongée, malade (5’40)
Dans le texte original, la pièce se termine par un épilogue, dit par John que voici :
« La différence qui résulta de ce nouvel état de choses, la fin de l’attente, provoqua chez John Marcher un étonnement très grand, très vif, comparable à celui que l’on éprouve quelquefois lorsque la musique s’arrête – dans un endroit entièrement voué à elle.
Cet étonnement dura des années, des années pendant lesquelles John Marcher voyagea – toujours seul – sans jamais concevoir pour son avenir ni crainte ni espoir, tellement s’était retiré de lui tout souci du futur
Mais voici qu’un jour d’automne, alors qu’il rendait visite à la tombe de son amie Catherine Bertram, dans le grand cimetière de Londres John Marcher reçut en plein cœur, avec l’irrévérence, la vulgarité, l’insolence du hasard, l’une des réponses plausibles à tout son passé. Un autre homme était parmi les tombes. C’était son analogue inoubliable. La douleur de cet homme était si forte, si terrible, que John se demanda quoi, quelle blessure, quelle injustice, quelle perte irréparable en était la cause. Et c’est alors – tandis que John Marcher voyait avec envie comment une femme, comment un amour pouvait être pleuré par un autre que lui – que la souffrance de John Marcher jusque-là comme endormie l’illumina, cela jusqu’à ce qu’il aperçût la bête surgir de la jungle et venir vers lui – cela donc jusqu’au zénith de sa vie au-delà de quoi il ne pouvait pas penser.
Il crut voir la bête de la jungle se dresser devant lui. Elle était énorme, elle était hideuse. Il crut que c’en était fait de lui. Alors d’instinct, il essaya d’éviter le bond de la bête sur lui, ce bond qui allait l’achever et c’est ainsi qu’il se jeta tête baissée sur la tombe de Catherine Bertram, afin d’éviter le bond sur lui de la bête de la jungle«