Professionnels et amateurs
Patrick Seraudie, metteur en scène professionnel nous parle de son expérience avec les troupes amateurs
Et si le théâtre n’était pas du tout où on l’attend.
Claude Régy
Modestes réflexions d’un metteur en scène professionnel qui travaille régulièrement avec des comédiens et des compagnies amateurs.
La rencontre d’un acte politique
Il y a quelques années je pouvais avoir un préjugé négatif sur le théâtre amateur. Genre, on ne mélange pas les torchons et les serviettes… Comme tout préjugé cette vision n’avait aucun fondement. Puis, dans un premier temps, le hasard des rencontres, j’ai découvert une fonction politique des ces pratiques. En milieu rural ou dans des quartiers ces ateliers permettent à des personnes issues de milieux sociaux professionnels de se rencontrer, d’avoir une pratique artistique ensemble et de la faire partager à une population variée. Du théâtre amateur comme lien social. Il est vrai que souvent dans ce cadre les préoccupations artistiques ne sont pas au premier plan.
La rencontre d’un acte artistique
Ensuite, à la demande de fédérations ou autres regroupements, j’ai travaillé avec des amateurs en encadrant des stages de formation ou en posant des propositions d’aide à la construction de spectacle. J’ai été surpris de découvrir la dynamique qui existe dans ces pratiques tant par le nombre de compagnies que par la diversité et la qualité des productions proposées.
Un véritable travail de recherche est mené au sein de la majorité des différentes troupes que j’ai pu rencontrer ou voir. Le répertoire passe du classique aux textes contemporain, du boulevard au théâtre de l’absurde ou à des créations originales. Chacun son style mais un souci quasi général de qualité artistique est présent.
Amateur prend ici son véritable sens, celui qui aime.
De plus, les comédiens, loin de se draper dans des certitudes que peuvent parfois amener des succès de proximité, s’interrogent sur leurs pratiques et leurs constructions dramatiques. Conscients des complexités de l’art dramatique, auxquelles ils se sont confrontés à travers leurs productions, ils se remettent en question, sont en attente de pistes permettant de faire évoluer leur pratique et semblent avides de s’emparer de propositions dramaturgiques.
La possibilité de travailler (et de simplement travailler)
Pour un metteur en scène professionnel travailler avec des amateurs lui permet de faire des gammes. Il lui est possible de construire des spectacles sur des textes avec un nombre important de personnages ce qui est de plus en plus difficile dans le circuit professionnel au jour d’aujourd’hui, de poser des partis-pris artistiques, de clarifier son langage et ses idées dans la direction d’acteur, bref de faire son travail en dehors des contraintes de production professionnelle.
Patrick Séraudie
Comédien, metteur en scène, directeur artistique de la compagnie Théâtre Folavril